samedi 23 février 2008

La rafle du Bel Hiv'


C'est Philippe R. qui me l'a signalé et m'a aiguillé vers un dictionnaire : il s'en trouve pour trouver exagéré de parler de rafle à propos de l'opération de police du 12 février dernier dans un foyer de la rue des Terres-aux-Curés dans le 13e arrondissement de Paris.
Pourtant, c'est très clair. Mon Dictionnaire Hachette 2003 définit une rafle comme une "Arrestation en masse faite à l'improviste par la police". Alors, si boucler un quartier de bon matin avec plus de 300 policiers pour investir un foyer d'hébergement collectif, détruire la plupart des portes, effrayer les locataires (deux auraient sauté par la fenêtre de peur) et embarquer plus de 100 personnes ce n'est pas une rafle, alors il faut d'urgence modifier la définition du mot dans les dictionnaires !
Et comme il faisait un très beau temps frais la semaine dernière, et comme je suis sensibilisé à l'injonction du devoir de mémoire, je ne fais que pousser un peu les choses en parlant de rafle du Bel Hiver !

Deux jours après les arrestations, on apprenait qu'absolument aucune charge n'avait été retenue contre personne au titre de l'information judiciaire qui avait suscité cette opération violente, l'hébergement de travailleurs dans des conditions insalubres contraires à la dignité humaine ! En temps normal, c'est à dire si nous n'étions pas en 2008, sous Sarkozy/Fillon/Alliot-marie/Hortefeux, l'ensemble des personnes interpellées auraient été relâchées après contrôle d'identité, interrogatoire, et constatation par la Justice qu'il n'y avait pas lieu à poursuite.
Oui, mais nous sommes bel et bien en 2008 et depuis quelques mois les rafles à Paris deviennent monnaie courante, sans parler des arrestations à la sortie des écoles, des enfants placés en centre de rétention,... Car nous sommes en 2008 et, comme en 2007, le gouvernement s'est fixé un objectif chiffré d'expulsions d'immigrés en situation irrégulière et il semble ne reculer devant aucun moyen pour tenter de le remplir. Et comme les locataires du foyer raflé se trouvent être dans leur immense majorité des travailleurs immigrés, souvent sans papiers, au lieu d'être relachés après leur arrestation avec les plates excuses de la République ils ont été placés en centre de rétention avec menace d'expulsion du territoire, en plus de l'expulsion manu-militari de leur logement !

Une dizaine de jours après la rafle, une bonne partie des 115 personnes interpellées a heureusement été relachée, et certains sont même de retour dans le foyer dévasté. Au bout du compte, le détournement de procédure semblant manifeste, il est probable que cette opération, qui a d'ores et déjà fait complètement chou-blanc sur le plan judiciaire officiellement affiché, ne donnera pas non plus lieu à des expulsions légalement valides, ce qui semble bien avoir été l'objectif inavoué de toute l'opération. Reste des dizaines de personnes terrorisées, arrêtées, expulsées de chez elle sur lesquelles on a jeté l'opprobre.
Pas grave pour le pouvoir ni pour les médias puisque depuis le gouvernement a battu son record avec 1000 membres des forces de l'ordre pour rafler tout un quartier et interpeller des personnes soupçonnées d'avoir commis des délits lors des délits lors des événements de Villiers-le-Bel à l'automne dernier. Mais là aussi l'écran de fumée retombe très vite puisqu'au bout de quelques jours seulement on parle de moins d'une vingtaine de personnes mises en examen, pour la plupart sur la base uniquement de témoignages anonymes.
Rendez-vous dans quelques mois devant les tribunaux pour constater l'inefficacité judiciaire de ces démonstrations de force policières aussi violentes qu'inefficaces.

1 commentaire:

Pol Dodu a dit…

Un mois après, Libération fait le bilan de la rafle du XIIIe, avec notamment 5 expulsions, 5 "refus d'embarquer" et 11 personnes toujours en centre de rétention. Et surtout la crainte que cette opération ne soit que la première d'une série visant les foyers de travailleurs...